La loi forte des grands nombres L2
Yves Coudène, Septembre 2006

Voici une preuve de la loi forte des grands nombres, lorsque les variables aléatoires sont dans L2.

Théorème

Soit (Ω,𝒯 ,μ) un espace mesuré, soient (Xi)iN des fonctions intégrables définies de Ω dans R, de carrés intégrables. On suppose que pour tout i,j, ij, ΩXidμ = 0, ΩXi2dμ = 1 et ΩXiXjdμ = 0; alors :

1 n i=1nX in+0p.s.

Preuve

Par l’inégalité de Markov,

μ(|1 mi=1mX i| > 𝜀) 1 m2𝜀2E(( Xi)2)

E(( Xi)2) = E(i,jXiXj) = E( Xi2) + 2E(i<jXiXj) = m

doncμ(|1 mi=1mX i| > 𝜀) 1 m𝜀2

On veut appliquer le lemme de Borel-Cantelli, mais 1 m = +. Remplaçons m par m2.

μ(| 1 m2 i=1m2 Xi| > 𝜀) 1 m2𝜀2.

Comme 1 m2 < +, le lemme de Borel-Cantelli montre que

presque partout, 𝜀 > 0,M N,m M,| 1 m2i=1m2 Xi| < 𝜀.

On en déduit, en prenant 𝜀 = 1K,K N,

1 m2i=1m2 Xim+0p.p.

Soit n N. Soit m la partie entière de n. On a : m2 n (m + 1)2 1

On utilise à nouveau le lemme de Borel-Cantelli.

μ(1 n| i=m2+1nX i| > 𝜀) 1 n2𝜀2E( Xi2) 1 n2𝜀2(n m2) 2 n32𝜀2

Comme 1 n32 < +, on en déduit que

1 n i=m2+1nX in+0p.p.

Remarques

– L’hypothèse Xidμ = 0 est une hypothèse de centrage.

– Si les Xi sont centrées et que la suite des (Xi)iN est stationnaire, on peut remplacer les hypothèses sur les Xi par une condition dite de "corrélations sommables" :

La Série   iX1Xidμ est absolument convergente.

– Lorsque (Ω,𝒯 ,μ) est un espace probabilisé, et que les Xi ne sont pas centrés, on peut remplacer les hypothèses sur les Xi par une hypothèse de “décorrélation” :

XiXjdμ XidμXjdμ = 0.

La moyenne des Xi converge alors presque surement, dès que la moyenne des E(Xi) converge, et ces deux moyennes sont égales. C’est l’énoncé classique de la loi des grands nombres pour des variables aléatoires L2.

– Lorsque (Ω,𝒯 ,μ) est un espace probabilisé, et que les Xi sont des fonctions bornées par une constante C, on peut simplifier la seconde partie de la preuve en utilisant la majoration : | i=m2+1nX i| C(n m2) 2Cn

Voici un corollaire de la loi forte des grands nombres, qui s’obtient en considérant des fonctions de la forme 1A(Xi).

Corollaire

Soient (Ω,𝒯 ,μ) un espace probabilisé, (Xi)iN une suite de variables aléatoires indépendantes équidistribuées, et A R un borélien. Alors, pour presque tout ω Ω,

1 nCard{i {1,2,..,n}|Xi(ω) A}n+P(X1 A)

Remarquons pour terminer, qu’il est possible d’obtenir une vitesse dans la loi des grands nombres lorsque les variables aléatoires sont dans L2. Il suffit de remplacer 𝜀 par n0,2𝜀 dans la preuve du théorème pour obtenir :

1 n0,8 i=1nX i0p.p.

La normalisation optimale est en fait en 1 n12+𝜀 ; c’est une application du théorème des trois séries, mais cela ne semble pas pouvoir se déduire de la preuve donnée plus haut.