Quaternions et rotations

Yves Coudene 09/03

J’explique brièvement comment employer les quaternions pour étudier les rotations de R3. Les démonstrations sont laissées en exercice.

1 Quaternions

Soit C = R + iR l’ensemble des nombres complexes. On considère les matrices de M2(C) suivantes, appelées matrices de Pauli :

1 = (10 01 ),σ1 = (01 10 ),σ2 = (0i i0 ),σ3 = (10 01 )

Ces matrices obéissent aux règles de commutation suivantes :

i,j,σiσj = σjσisiij;i,σi2 = 1.

Théorème :
Les matrices 1,σ1,σ2,σ3,σ1σ2,σ2σ3,σ3σ1,σ1σ2σ3 forment une base de l’ensemble des matrices 2x2 à coefficients complexes, M2(C).

L’algèbre M2(C) se décompose donc en :
– un espace vectoriel de dimension 3, E = V ect(σ1,σ2,σ3) ; un vecteur a E s’écrit a = a1σ1 + a2σ2 + a3σ3 ;
– une sous-algèbre de dimension 4, H = V ect(1,σ1σ2,σ2σ3,σ3σ1) ;
– un sous-espace de dimension 1 engendré par σ1σ2σ3.

On pose i = σ1σ2σ3 = i (10 01 ) . On a bien i2 = 1. On a également :
σ1σ2 = iσ3,σ2σ3 = iσ1,σ3σ1 = iσ2. Attention : iH.

Par conséquent, tout élément de H peut se mettre sous la forme :

q = α + ia,α R,a E.

La loi de composition induite sur H par le produit matriciel peut se réécrire :

(α + ia)(α + ia) = αα + i(αa + αa) aa

avecaa = a|a + ia ×a,|prod.scalaire, ×prod.vectoriel.

Remarques : i commute avec les vecteurs de E. Le produit de deux vecteurs de E donne un élément de H. Enfin le carré d’un vecteur est égal au carré de sa norme.

On pose : q¯ = α ia et on vérifie la formule : qq¯ = α2 + a12 + a22 + a32. Tout élément non nul de H est donc inversible. Le corps H est appelé corps des quaternions. Il vient d’ être construit comme sous-algèbre de M2(C).

2 Rotations

La construction précédente peut être utilisée pour étudier les rotations de R3.

Pour cela, on remarque que l’exponentielle de matrices se restreint aux quaternions :

eia = 1 + ia 12 a 2 + ... = cos a +i a a sin a .

en posant a 2 = a12 + a22 + a32 , pour a E. En particulier le quaternion eia est de norme 1.

Théorème:
Soit a E un vecteur unitaire et 𝜃 un nombre réel. La rotation d’axe dirigé par a et d’angle 𝜃 est donnée par :

E E xe 1 2 i𝜃axe 1 2 i𝜃a

Ceci se vérifie en décomposant x selon un vecteur proportionnel à a et un vecteur orthogonal à a. Un calcul direct redonne l’expression classique des rotations :

e 1 2 i𝜃axe 1 2 i𝜃a = cos𝜃x + (1 cos𝜃)(x|a)a + a ×xsin𝜃.

De là, il est facile de composer les rotations. On obtient, par exemple , une expression pour le cosinus de l’angle ω de la rotation composée d’une rotation d’angle 𝜃 d’axe a suivie d’une rotation d’angle φ d’axe b :

e 1 2 iωu = e 1 2 iφbe 1 2 i𝜃a

e 1 2 iωu = cos(ω2) iusin(ω2)
e 1 2 iφbe 1 2 i𝜃a = (cos(φ2) ibsin(φ2))(cos(𝜃2) iasin(𝜃2))

= cos(φ2)cos(𝜃2) a|bsin(φ2)sin(𝜃2)...

... i(bsin(φ2)cos(𝜃2) + acos(φ2)sin(𝜃2) + b ×asin(φ2)sin(𝜃2)).
Donc

cos 1 2ω = cos 1 2φcos 1 2𝜃 (a|b)sin 1 2φsin 1 2𝜃.

Exercices :
– Montrer que le groupe des quaternions de norme 1 s’identifie à SU2(C).
– Expliciter le morphisme de SU2(C) dans SO3(R) donné par le théorème plus haut. Quel est son noyau ?
– Démontrer l’égalité : (x ×y) ×z = (z|x)y (z|y)x par un calcul direct avec les quaternions.
– Soit u un vecteur unitaire. A quoi correspond la transformation de E donnée par x uxu ?
– Montrer que l’application aeia, définie de E dans l’ensemble des quaternions de norme 1, est surjective. Est-ce un morphisme ?

Référence : G. Casanova, Que-sais-je ? 1657 “L’algèbre vectorielle”.